
Dans ce dernier chapitre sur le jeu au Bouton, nous allons nous intéresser à un cas particulier du jeu à trois joueurs : les stacks asymétriques.
C'est un concept que nous n'avons jamais abordé jusqu'à maintenant, et qui est donc peut-être nouveau pour vous.
Mais pas de panique si vous ne savez pas ce que cela veut dire, nous allons tout vous expliquer.
Avant de voir les adaptations à mettre en place, il est important de comprendre ce qu’on appelle une situation symétrique et une situation asymétrique.
Pour le moment, nous avons toujours implicitement supposé que nous étions dans le cas de situations symétriques.
C'est-à-dire que tous les joueurs avaient sensiblement le même stack.
Par exemple :
C'est donc en faisant l'hypothèse d'être dans une situation symétrique que les ranges que vous avez étudiées ont toutes été créées.

☝️ Cette simplification est nécessaire et très classique car les situations au poker sont quasiment infinies.
Il n'est donc pas possible de couvrir l'intégralité des situations possibles avec des ranges, tout en gardant un système humainement apprenable.
On parle de situation asymétrique quand les stacks des joueurs sont à des niveaux très différents.
L’un des joueurs est par exemple beaucoup plus short ou au contraire très deep.
Par exemple :
Dans ce cas, les décisions de chacun vont évoluer : le short stack (SB) joue plus souvent à tapis et cela influence notre stratégie.

🧠 L'idée de ce chapitre ne va pas être de vous dire quoi faire au combo près dans des situations de stacks asymétriques, car comme on l'a déjà dit précédemment, le nombre de situations possibles est quasiment infini.
Le but est de vous présenter les grands principes d'adaptation en fonction des trois principales situations asymétriques.
Typiquement, lorsque vous avez un doute sur une main à la limite, les connaissances de ce chapitre pourront vous faire pencher vers une décision plutôt qu'une autre.
Globalement, on va retrouver 3 cas fréquents (on fait bien sûr l’hypothèse que vous êtes au Bouton). Bien évidemment, les stacks donnés juste ci-dessous sont à titre d'exemple. Il y a une quasi infinité de situations possibles.
1️⃣ Cas 1 : 10 BB (vous, au Bouton) - 25 BB (SB) - 40 BB (BB) -> vous êtes short
2️⃣ Cas 2 : 25 BB (vous, au Bouton) - 10 BB (SB) - 40 BB (BB) -> la SB est short
3️⃣ Cas 3 : 25 BB (vous, au Bouton) - 40 BB (SB) - 10 BB (BB) -> la BB est short
On pourrait ajouter le cas 35 – 5 – 5 : vous êtes très deep et les deux adversaires sont short. Mais il est vraiment rare en pratique. Notez qu’il se jouerait comme le cas 1.

Prenons le cas où vous êtes au Bouton avec un stack bien inférieur à vos adversaires.
En réalité, dans ce cas, il n’y a pas d’adaptation particulière à mettre en place.
Prenons un exemple : 7 BB (vous, au Bouton) - 25 BB (SB) - 25 BB (BB)
Et regardons sur un solveur comme GTO Wizard la range du Bouton (vous) dans cette situation et comparons-la à la situation : 7 BB (vous, au Bouton) - 7 BB (SB) - 7 BB (BB)

Cela peut sembler surprenant, mais ces situations différentes en apparence sont en fait très semblables d'un point de vue GTO.
✅ Et cela se généralise pour toutes les situations de stacks asymétriques à trois joueurs dans lesquelles c'est vous qui êtes short au Bouton.
Il n'y a donc pas d'adaptation particulière à mettre en place. Dans ces situations, vous pouvez continuer à suivre les ranges que vous avez étudiées dans les chapitres 5 et 6.
Ce sont les cas les plus intéressants stratégiquement et vous les rencontrerez souvent en pratique.
Dans cette situation, le short stack va naturellement jouer plus agressif préflop.

Cette pression supplémentaire mise par nos adversaires va changer notre stratégie au Bouton sur deux points.
Lorsque les joueurs derrière vous ont un stack qui invite au shove, on souhaite limiter l’open des mains trop faibles qui ne pourront pas payer contre un 3-bet shove.
Il s’agit souvent d’un ajustement léger, mais bien réel : les mains dans le bas de range de BTN peuvent directement être fold.
Exemple :

Vous pouvez constater que dans le cas du stack asymétrique, le Bouton doit open légèrement moins que dans le cas avec les stacks symétriques.
Certaines mains se retrouvent dans une zone intermédiaire : elles sont trop fortes pour être simplement fold, mais pas assez pour min-raise et assumer l’éventualité d’un re-shove de votre adversaire.
Pour ces mains, la meilleure solution devient souvent le tapis direct.
Exemple à 17 BB :

Vous pouvez constater que dans la situation asymétrique à gauche, des mains comme KTs, QJo, A2s, etc. peuvent être open-shove de manière profitable, alors qu’en situation symétrique elles seraient relancées en Min-raise standard.
Autre exemple à 12 BB :

Dans le chapitre 6, nous avions vu que nous pouvions remplacer quelques open shove par des min-raise (pour les mains se jouant plutôt bien postflop et risquant d'être dominées en cas de call de notre adversaire), car les adversaires n'utilisaient pas assez le 3-bet.
Grâce à la comparaison ci-dessus à 12 BB, vous pouvez constater que c'est un peu moins vrai lorsque le joueur en face est short.
🧨 Surtout si le joueur adverse vient de perdre un gros coup et est potentiellement en tilt (ce qui augmente sa probabilité de shove). Vous ne voudriez pas avoir à Min-raise puis devoir Fold trop souvent.
Pour ceux qui aiment la précision.

Ci-dessus, nous avons regroupé les cas 2 et 3 en considérant que, peu importe lequel de vos adversaires (SB ou BB) était short, la situation était similaire.
En réalité, il existe une petite différence :
Lorsque la SB est short, elle a un joueur derrière elle. Elle ne peut donc pas shove aussi librement que la BB.
Le Bouton peut alors garder une range d’open légèrement plus large que lorsque la BB est short. Car étant la dernière à parler, la BB aura alors davantage de liberté pour reshove agressivement.
🤏 Cette nuance existe, mais elle reste assez fine.
Encore une fois, l'idée n'est pas de multiplier le nombre de ranges différentes à apprendre, mais de comprendre le principe général pour pouvoir s'adapter dans la pratique.